La foudre, s'eût-elle abattue au beau milieu du village, aurait eu à rougir du tonnerre qui s'ensuivit. D'abord, les canons se déchaînèrent avec une simultanéité telle que le navire roula sur sa quille, exposant les berniques à bâbord. Ensuite, les boulets et la mitraille frappèrent de si belle précision qu'ils fauchèrent, avec une égale dévastation, huttes, appentis, volaille, bestiaux... femmes et enfants. Une fumée noire recouvrit incontinent le tillac, se lovant avec paresse sous la brise molle. Alimentés par les hommes de Zúñiga, formés à la guerre sur la côte barbaresque, et par les Kalinagos, maintenant familiarisés au maniement des bouches à feu, les batteries tonnaient à l'envi, emplissant le pont de plus de nuées encore, crachant le fer à l'aveugle, les boutefeux acertainés de l'angle donné aux fûts par les anspects. À la coordination des premiers tirs, succéda une cadence décousue, commandée par le rythme avec lequel chaque canonnier parvenait à pourvoir à son mortier d'airain.
Trésor Noir
© Éditions Hurtubise, mars 2010
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