À deux heures de l'après-midi, enflée par le souffle de Juracán au septentrion2, la mer rugit de vent et de pluie. Les bourrasques interdisent presque toute manœuvre, et il faudrait prendre le large à sec de toile3. Par peur d'être drossé, l'Espagnol ne profite point de la marée. Il reste au loin, se contentant de nous surveiller en attendant l'accalmie.
Notre capitaine n'entend point laisser passer l'occasion. L'Ouragan dispose de dix canons de plus que la caravelle et, plus lourd qu'icelle, saura mieux manœuvrer dans les heurtis de houle. Quand il largue ses huniers, vergues brassées en pointe pour prendre le vent debout, le galion geint ainsi que le blessé trop brusquement levé de son grabat.
Les membrures fraîchement clouées et étoupées subissent les gifles de la mer en furie. Bouche-Trou mordille sa lèvre inférieure. S'il garde confiance en la qualité de sa poix, il semble s'inquiéter de la force des vagues contre la coque. Sans doute n'avait-il point anticipé une tempête aussi forte. Chacun évite son regard pour ne point y retrouver sa propre peur. Chacun s'oblige à ignorer les grincements et le fracas du bois rudoyé.
De toute manière, il y a trop à se soucier.
L'Espagnol est maintenant à portée de canons.
Pirates - Seconde époque
Tome 1
Le Trésor perdu de Cape-Rouge
1Première heure du jour. Pour les soldats, il s'agissait aussi du roulement de tambour servant à réveiller la troupe.
2Le 12 septembre 1565, un ouragan fait rage à hauteur de la rivière de May (St. John's River), en Floride. Elle détruit une flotte française partie combattre les navires de l'adelantado
Pedro Menéndez de Avilés. Voir Un massacre magnifique du même auteur, éditions Hurtubise, 2010.
Pedro Menéndez de Avilés. Voir Un massacre magnifique du même auteur, éditions Hurtubise, 2010.
3Sans les voiles.
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