Biche et moi, nous marchons presque continuellement main dans la main. Quand sa mère oublie jusqu'à l'existence de ses filles pour s'enivrer du compagnonnage d'Esteban, mon amie porte sa petite sœur sur son dos. Le père, lui, se complaît dans la seule compagnie des hommes du groupe.
D'autres jeunes de notre âge s'unissent parfois à nous, dans l'idée de tisser des liens, de créer une communauté qui se démarquerait de celle des parents. Cela dure rarement plus d'une lieue ou deux, car Biche et moi avons généré notre propre monde autour de nous, un espace fabriqué de murmures et d'œillades qu'il leur est impossible de pénétrer.
Pendant trois jours, nous parcourons des sentiers de montagnes au sol caillouteux, plombés de soleil à midi, mais que recouvre rapidement l'ombre de coteaux dénudés. La nuit, la morsure glaciale d'un ciel alourdi de trop d'étoiles nous oblige à nous serrer les uns contre les autres. Biche et moi, enveloppés de nos haleines où fleurent les épices de nos trop maigres rations, fesses contre ventre, et parfois ventre contre ventre, goûtons chaque instant sans les inquiétudes de l'âge adulte, assurés que demain, la route sera moins longue, il fera plus chaud, il fera moins faim.
D'Or et de poussière
© Camille Bouchard et maison d'édition à venir, 2011
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