J'ai dix ans. Je suis un tantinet amoureux de ma petite voisine de 1 ou 2 ans plus jeune que moi.
Profitant du fait qu'on est tous les deux hors du champ de vision de nos parents et de mes 13 frères et soeurs, je l'embrasse sur la joue. Oui, mes amis : directement sur la joue. Elle était consentante, monsieur le juge, je le jure.
Mais le péché de chair est puni d'une longue peine de purgatoire si on n'a pas eu la sagesse de se confesser avant de trépasser. C'est pas moi qui le dis, c'est Ben Seize et ses curés. Et les curés, en ce qui concerne les péchés, ils s'y connaissent. Alors, j'avais beau n'avoir que dix ans, à l'époque, il me fallait avouer ce crime indécent lors de mon passage au confessionnal, le dimanche suivant (n'oubliez pas que nous sommes dans les années 60).
Sauf que, une fois devant la mine sévère du curé de Forestville qui m'observe à travers le grillage de bois, je n'ose pas lui avouer ma très grande faute. Que j'aie foutu une pichenotte à mon frère Georges, tapé sur le voisin d'en face, martyrisé les poupées de ma soeur Louise, ça, ça va, mais dire que j'ai donné un baiser sur la joue de ma voisine, j'en suis incapable (comme quoi, la violence nous paraît toujours moins grave que le désir amoureux).
Je sors de l'église, mais cette fois, en proie à une quasi-panique. Car si embrasser une fille conduit au purgatoire, cacher un péché au confessionnal mène droit en enfer. Oui, les amis ! S'il avait fallu qu'un autobus me frappe pendant la semaine qui a suivi, je me retrouvais à rôtir pour l'éternité sur les hibachis de Lucifer. L'éternité ! (C'est fou ce que les curés et le Bon Dieu sont rancuniers.) Je n'en dormais plus la nuit.
C'est avec une volonté (et une frousse, avouons-le) renouvelée que, la semaine suivante, faisant fi du regard incendiaire du curé (l'image vient de la peur de l'enfer), j'avoue mon crime : j'ai caché un péché, la fois précédente. Le curé, d'une magnanimité qui étonne vu sa mine farouche, accepte de m'absoudre...
— Merci, mon père.
— À condition que tu me dises quel est ce péché que tu as caché, la semaine dernière.
Noooon ! (pensai-je.)
— Eh bien ? insiste-t-il.
— Je... J'ai....
— Oui ?
— Ma... vous a...
— M'avoue quoi ?
— Ma vous a zine...
— Ah ! Ta voisine, oui ?
— Je...
— Tu ?
— L'ai embrassée...
— Tu l'as embrassée ?
— V... voui.
— Comment ?
— Comment, comment ? Comme ça, bang ! sur la joue ! Pas de niaisage.
— Ouais. Sur la joue. N'empêche, c'est un péché. Véniel. Mais un péché, pareil.
— Je sais, sinon je ne l'aurais pas caché.
— Tu as l'intention de recommencer ? De l'embrasser, je veux dire.
Puisqu'il suffisait, pour être absous du péché du bisou, de se confesser la semaine suivante, j'étais prêt à recommencer en sortant de l'église. Toutefois, j'avais trop peur de ne pas pouvoir de nouveau l'avouer et de me retrouver encore en état de péché mortel. Alors, je réponds :
— Pas du tout ! Pensez-vous !
— Voilà qui est bien. Te absolvo, blablabla gnagnagna... aeternam, amen !
Je suis sorti du tribunal... pardon, du confessionnal, allégé de 10 mille tonnes. Fini les bises aux filles, c'était ma décision. Non mais ! Risquer tant pour si peu...
Depuis, heureusement, j'ai réévalué mes convictions.
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Profitant du fait qu'on est tous les deux hors du champ de vision de nos parents et de mes 13 frères et soeurs, je l'embrasse sur la joue. Oui, mes amis : directement sur la joue. Elle était consentante, monsieur le juge, je le jure.
Mais le péché de chair est puni d'une longue peine de purgatoire si on n'a pas eu la sagesse de se confesser avant de trépasser. C'est pas moi qui le dis, c'est Ben Seize et ses curés. Et les curés, en ce qui concerne les péchés, ils s'y connaissent. Alors, j'avais beau n'avoir que dix ans, à l'époque, il me fallait avouer ce crime indécent lors de mon passage au confessionnal, le dimanche suivant (n'oubliez pas que nous sommes dans les années 60).
Sauf que, une fois devant la mine sévère du curé de Forestville qui m'observe à travers le grillage de bois, je n'ose pas lui avouer ma très grande faute. Que j'aie foutu une pichenotte à mon frère Georges, tapé sur le voisin d'en face, martyrisé les poupées de ma soeur Louise, ça, ça va, mais dire que j'ai donné un baiser sur la joue de ma voisine, j'en suis incapable (comme quoi, la violence nous paraît toujours moins grave que le désir amoureux).
Je sors de l'église, mais cette fois, en proie à une quasi-panique. Car si embrasser une fille conduit au purgatoire, cacher un péché au confessionnal mène droit en enfer. Oui, les amis ! S'il avait fallu qu'un autobus me frappe pendant la semaine qui a suivi, je me retrouvais à rôtir pour l'éternité sur les hibachis de Lucifer. L'éternité ! (C'est fou ce que les curés et le Bon Dieu sont rancuniers.) Je n'en dormais plus la nuit.
C'est avec une volonté (et une frousse, avouons-le) renouvelée que, la semaine suivante, faisant fi du regard incendiaire du curé (l'image vient de la peur de l'enfer), j'avoue mon crime : j'ai caché un péché, la fois précédente. Le curé, d'une magnanimité qui étonne vu sa mine farouche, accepte de m'absoudre...
— Merci, mon père.
— À condition que tu me dises quel est ce péché que tu as caché, la semaine dernière.
Noooon ! (pensai-je.)
— Eh bien ? insiste-t-il.
— Je... J'ai....
— Oui ?
— Ma... vous a...
— M'avoue quoi ?
— Ma vous a zine...
— Ah ! Ta voisine, oui ?
— Je...
— Tu ?
— L'ai embrassée...
— Tu l'as embrassée ?
— V... voui.
— Comment ?
— Comment, comment ? Comme ça, bang ! sur la joue ! Pas de niaisage.
— Ouais. Sur la joue. N'empêche, c'est un péché. Véniel. Mais un péché, pareil.
— Je sais, sinon je ne l'aurais pas caché.
— Tu as l'intention de recommencer ? De l'embrasser, je veux dire.
Puisqu'il suffisait, pour être absous du péché du bisou, de se confesser la semaine suivante, j'étais prêt à recommencer en sortant de l'église. Toutefois, j'avais trop peur de ne pas pouvoir de nouveau l'avouer et de me retrouver encore en état de péché mortel. Alors, je réponds :
— Pas du tout ! Pensez-vous !
— Voilà qui est bien. Te absolvo, blablabla gnagnagna... aeternam, amen !
Je suis sorti du tribunal... pardon, du confessionnal, allégé de 10 mille tonnes. Fini les bises aux filles, c'était ma décision. Non mais ! Risquer tant pour si peu...
Depuis, heureusement, j'ai réévalué mes convictions.
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C'est un extrait d'un futur roman? D'une autobiographie? Ça se lit très bien en tout cas. Il y en a qui dirait que c'est un roman historique en devenir! Disons une belle chronique d'époque. Au moins un beau souvenir de jeunesse.
RépondreEffacerNos chers curés, dans le temps, devaient avoir envie de rire à entendre nos petits péchés cocasses. Ce n'était pas toujours facile pour moi de me trouver des péchés. Que voulez-vous, j'étais une petite fille presque parfaite`;0) Merci pour cette mignonne histoire amusante...probablement un futur roman basé sur un fait vécu... par vous, non? Francine
RépondreEffacerIl s'agit d'une histoire (hélas) vraie. C'est terrible de faire de pareilles peurs aux enfants. Les curés devraient tous être poursuivis en justice pour harcèlement (voire violence) psychologique.
RépondreEffacerC'est vrai, quoi ? Et si je les avais écoutés ? Je serais peut-être curé, aujourd'hui.
Si vous étiez curé, c'est sûr que je serais à la messe tous les dimanches! Francine
RépondreEffacerBeau billet, Camille!
RépondreEffacerC'est quoi cet accident de vélo? Est-ce grave? Es-tu à l'hôpital?