Le prêtre dépose son verre par terre puis, les coudes sur les cuisses, chapelet et crucifix de ceinture enfoncés dans un pli de sa bure, poursuit :
— Les pirates, avant d'être pirates, sont comme nous : des têtes d'hommes sur des corps d'hommes. Certains beaux, certains laids, mais rien qui les différencie du commun des mortels. Cependant, à force de pratiquer leurs vilénies, à mesure qu'ils troquent leur âme de chrétiens pour celles de mécréants, de violeurs et d'assassins, leur physionomie change.
— Vraiment ?
— Certains — parmi les pires, je te l'accorde —, ont des griffes, des crocs, d'autres des pupilles rouges et enflammées semblables à celles de leur maître, Satan, d'autres encore verront leur crâne transformé en celui d'un chien, d'un singe, d'un loup, voire d'un cochon. Ils...
Un bruit de métal qui heurte le bois me fait sursauter. Je me détourne vivement pour trouver Juanita, pâle comme une pleine lune, le regard fixé sur Fray Jesús, des ustensiles à ses pieds. Ma servante est figée d'effroi.
— Mon père ! que je lance, sourcils froncés, en revenant poser des yeux mécontents sur le religieux. Vous faites peur à ma bonne Juanita. Ne dites plus ces sottises.
— Mais ce ne sont pas des sottises, María ! Demande à tous ceux qui ont eu à affronter les pirates : ces êtres ne sont pas humains et les actes qu'ils pratiquent, les tourments qu'ils imposent à leurs victimes, ne sont pas humains non plus.
Extrait du roman en cours d'écriture
La Dame de Panamá
© Camille Bouchard 2011, 2012 (éditeur à venir)
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