— A... amiral ! Vous vous adressez à... à une femme mariée ! Je vous en prie. Il n'est pas séant que vous mettiez ainsi votre cœur à découvert.
Il lève vers moi un visage à demi masqué par le clair-obscur du couchant que jette la porte du balcon derrière lui. Pourtant, il me semble bien distinguer dans ses yeux la mouillure émouvante de la sincérité.
— Madame, moi aussi, je suis marié, et pourtant...
Je recule d'un pas supplémentaire afin de m'assurer que ses doigts ne caressent un ruban de ma robe qu'ils sont sur le point d'atteindre. Je l'interromps :
— Marié ! Vous également ! Mais voilà qui est de la plus grande déshonnêteté ! Cessez de me torturer et, de grâce, relevez-vous.
Il m'obéit, mais ce n'est que pour mieux réduire l'écart que j'avais tenté de creuser entre nous.
— Le mariage ne nous coupe pas de nos sentiments, señora. Dieu a voulu, en dépit de nos origines différentes, que nous nous rencontrions ; n'est-ce pas là la plus belle preuve de Son désir de voir lier nos destinées ?
— Nos destinées sont déjà liées. Et chacun avec quelqu'un d'autre !
— Nos sorts d'époux, certes, mais notre bonheur ? Je le pressens voué à nous unir vous et moi. Soyez sincère, votre cœur, que ressent-il à mon égard ?
— La question n'est pas là. Elle tient de nos passés respectifs. Nos cœurs ne sont plus libres.
— Pourquoi nos mariages nous couperaient-ils du bonheur ?
— Mais, amiral, une femme qui se marie renonce au bonheur !
Extrait du roman en cours d'écriture
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