vendredi 22 octobre 2010

Prologue du tome 1 - Pirates, Seconde époque

Autour de moi, tous sont morts.

Tous.

La plupart dans la cale ou l'entrepont. Plusieurs sur le tillac, étendus à même le bois, le long des bastingages, sur la dunette, le gaillard de proue... Leurs yeux, devenus blancs, fixés sur le feu solaire, attendent les oiseaux qui les becquetteront sitôt le navire approchera-t-il une côte.

Tous, je dis. Capitaine comme gabiers, bosco comme timonier, coq comme barbier, charpentiers comme marins, mousses comme esclaves...

Dieu l'a ainsi voulu. Car on ne bafoue point en vain Son saint nom. Et moins encore quand on est de la foi anglicane, qu'on se rit du pape et des rites aussi sacrés que la communion. On ne bafoue point Dieu ainsi que le font tous ses Anglais. Alors, comme de raison, Dieu punit.

Enfin, c'est ce qu'on m'a dit déjà. Un prêtre catholique, c'était. Il prêchait à Morand-la-Rivière, mon bourg natal.

Un village de morutiers.

Un endroit sur la côte de Bretagne aux prises avec deux grands malheurs : un, être trop loin de Dieu ; deux, être trop près des Anglais.

Je suis esclave.

Ou quelque chose d'approchant, puisqu'on m'a baillé. Mon maître est de Bristol, corsaire répondant à l'autorité d'Élisabeth d'Angleterre. Il menaçait de réduire notre hameau en cendres si les notables ne payaient point tribut. Dix autres garçons du bourg m'ont suivi. Plus les filles pour amuser les marins anglais. Mais elles, elles n'ont point pris la mer. Une garce sur un bateau porte malheur. C'est notoire.
Ainsi, les corsaires anglais nous ont emmenés, nous, les garçons. Et ils ont emporté l'argent aussi.

Enfin, pas trop, car d'argent, les villageois en avaient peu, et ce peu, ils sont parvenus à le cacher.

Mais ils n'ont pu cacher leurs fils. On ne cache point un fils. Ni une fille.

Ça compte moins que l'argent.


Début du prologue

Pirates - Seconde époque
Tome 1
Le Trésor perdu de Cape-Rouge

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