vendredi 20 novembre 2009

La traversée de la mer océane

Les vagues mugissaient en s'ouvrant contre le taille-mer, marries qu'on les brusquât dans leur course, sifflant ainsi que des bêtes courant la plaine et qu'on aurait écartées en les devançant ; les lames d'eau, ainsi que de longues cantonnières battues de vent, écumaient en remontant le long des œuvres-mortes.

Des hirondelles de mer et des pailles-en-queue escortaient les mats, fondant les modulations de leurs cris aux harmoniques du vent et des eaux. Le soleil des tropiques blanchissait le ciel ainsi que le métal dans les fourneaux de la fonderie, mais son feu se diluait sous la détrempe des embruns.

La caravelle San Pedro, favorisée par tous les dieux — ou tous les démons —, chrétiens comme amériquains, profita de vents grand largue tant pour remonter le septentrion jusqu'à la latitude voulue que pour cingler ensuite en direction de l'orient. Une fois atteintes les Açores, une borée* vive se substitua incontinent aux vents du ponant, entraînant le vaisseau directement sur les Canaries, tant et si bien que, dix-neuf jours à peine après leur départ de La Licorne, les hommes de Cape-Rouge pouvaient déjà espérer s'avitailler en eau et en provisions fraîches.

— Aucun cas de mal de terre**, fit remarquer N'A-Qu'Un-Œil à Lionel qui, debout au garde-corps de la dunette, observait la ligne bleutée de La Palma, l'une des deux îles les plus à l'ouest. Jamais traversée de la mer océane ne m'a paru si facile.

* Borée: Vent du nord.
** Scorbut. Un mal qui se guérissait une fois à terre.

Pirates, tome V
Trésor Noir
© Éditions Hurtubise, mars 2010

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