samedi 29 décembre 2007

Pirates, tome 2

Extrait du deuxième tome de la série Pirates que je suis en train d'écrire :

Le point noir au centre de l'oeil est si minuscule qu'on dirait seulement un trou d'aiguille au milieu d'un bouton d'argent. Les paupières sont grandes ouvertes, bien rondes, redessinant les contours de la pupille grise et froide fixée sur Feulion. Le pirate n'en mène pas large, recouvert seulement de son caleçon, muscles maigres et cicatrices exposés aux officiers espagnols. Il est suspendu à une poutre du plafond par ses poignets rattachés dans le dos. Si, bientôt, on ne le délie pas, ses épaules vont se disloquer.

— On dirait que le forban a dernièrement goûté du fouet, ironise un officier devant les marques de lacérations qui strient les omoplates du prisonnier. Un petit malentendu entre maroufles, sans doute.

Tous les Espagnols éclatent de rire sauf le capitán Luis de Melitón de Navascués qui garde son regard polaire sur Feulion. Après de longues secondes menaçantes, il l'abandonne enfin pour parcourir la feuille de parchemin qu'il tient entre trois doigts de sa main gauche. Sa dextre bat l'air au rythme de ses paroles, et il serait difficile de dire si cette gestuelle théâtrale s'adresse plus à son prisonnier qu'à ses soldats.

— Pillage du San-Bernardino, déclame-t-il de sa voix de corbeau. Pillage du Valiante, du Isadora et du Galante. Arraisonnement de baleiniers espagnols à quatorze reprises. Massacre des équipages. Attaques des ports de Puerto Cadix et du comptoir de Barbaresco.

Il se place face à Feulion, leurs deux nez se touchant presque. Il demande:

— Tu entends l'espagnol, drôle? Pour bien saisir la mort atroce que je vais t'annoncer et sur laquelle tu méditeras avant de monter au gibet.

Un poco, Excelencia. Solamente, un poco. Seulement un peu.

— Ça suffira. Écoute ce que...

— Mais, Excellence, si je me suis présenté à vous ainsi, de plein gré, c'était par repentances. Je n'en puis plus de la vie de pirates, de sillonner les mers en compagnie de ces hérétique calvinistes, moi qui ne vis que par l'indulgence de notre bonne Marie, la Sainte-Mère de Notre Seigneur Jésus-Christ. Je me repens, Excellence. Je suis un bon catholique, un fervent de l'autorité de Rome, un fidèle pratiquant de notre foi, si bien défendue par le bon roi d'Espagne, empereur du Saint-Empire germanique, héritier de...

— Mais boucle-la! ¡Madre de Dios! A-t-on déjà entendu plus de jactance?

Les officiers ne peuvent s'empêcher de glousser, un regard méprisant en direction de Feulion.

— Crois-tu donc, reprend de Navascués, que je pourrais épargner ta misérable vie à la prétention seule que tu te repentirais, et quand je sais ton âme si noire qu'un charbonnier même n'en voudrait pas de peur de salir ses sabots? Nous briserons tes os à coups de massue puis te laisserons agoniser pendu à l'entrée du fort, becqueté par les corbeaux, tes pieds à portée des crocs de nos mâtins.

— Excellence! Je vous sais versé de bonté et d'indulgence. Et plus encore quand vous connaîtrez le troc admirable que je vous propose.

— Un troc? répète de Navascués que le mot seul semble enflammer de courroux. Tu me prends donc pour un vulgaire marchand mauresque, pirate?

— Que nenni, Excellence! J'ai trop de respect pour votre grandeur. J'ai seulement une information qui saurait vous réjouir et j'aimerais vous la transmettre en échange, à la fois, de ma liberté et d'une amnistie.

Il hésite avant de poursuivre:

— Et d'une part aussi de ce trésor que vous tirez de la forêt et qui...

— Par exemple! s'exclame un officier. Le coquin ne manque pas d'audace.

— Qu'on occise ce drôle avant qu'il colporte plus avant ces idées de notre découverte.

¡Señores! Nobles d'Espagne, je vous en conjure, écoutez-moi. Je peux vous indiquer où trouver le pirate le plus honni des mers du Pérou.

Les rires s'évanouissent. Il y a un moment de flottement, de silence étrange, marqué seulement par les bruits étouffés venus de l'extérieur, par la respiration saccadée de deux ou trois hommes. Les pupilles de de Navascués s'illuminent d'une lumière qui ne paraît pas venir de la pièce quand il vient river son regard dans celui de Feulion.

— Cape-Rouge? demande-t-il. Tu parles de Cape-Rouge?


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