dimanche 19 octobre 2008

Pirates IV (Extrait 3)

— On leur coupe la langue? suggéra le Jésuite, mais avec plus d'ironie que d'intentions véritables.

— Ce Nazareno me donne une idée, rétorqua Cape-Rouge en estimant la mine coquebine de l'Espagnol. Puis, baissant davantage le ton comme s'il craignait être ouï par quelque captif entendant le français, il ordonna: Bâillonnez les six hommes ; qu'ils ne puissent émettre le moindre cri, surtout.

Nous nous exécutâmes sous les yeux arrondis des prisonniers qui se morfondaient de nos intentions. Deux ou trois réclamèrent pitié, mais à voix basse afin de ne point nous irriter. Je m'ébaudissais de leur angoisse, cherchant à cintrer mon sourire dans un rictus mauvais. Que le lecteur ne me juge point si cruel ni malveillant. J'étais à cet âge où l'on calque encore les traits grossiers de son caractère à ceux des adultes qu'on tient en grand honneur. Mes parangons étaient des pirates qui n'exprimaient aucune pitié envers ceux qu'ils avaient rangés dans le clan des ennemis. Je parfaisais mon être à leur image ; j'osais tout ce qu'on exigeait de moi pour qu'on me considérât, non plus fadrin, mais un homme accompli.

— Poignardez-les ! ordonna Cape-Rouge.
Extrait de
P I R A T E S    I V
Les Armes du vice-roi
(Parution, automne 2009)

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