dimanche 9 novembre 2008

Madame Bizarre

Assis au stand de Dominique & Compagnie, je suis accoudé à mon comptoir de signatures et rêvasse un peu ; les autobus viennent de repartir avec leurs hordes d'écoliers. Il ne reste plus que quelques adultes qui maraudent ici et là en attendant la prochaine fournée scolaire.

Une jeune femme entre 25 et 30 ans s'approche de moi. Je la salue d'un sourire. Je vois qu'elle tient un petit carnet de notes encore vierge et un crayon. Elle dit :

— Y a beaucoup de livres, ici, hein ?

— C'est un peu l'idée d'un Salon.

Elle fait semblant de s'intéresser aux titres qui couvrent la table où je suis installé. Elle lorgne aussi les étagères tout autour. Elle finit par me demander :

— C'est à vous, tout ça ?

— Non. Moi, je suis l'auteur des livres que vous voyez ici, le reste a été écrit par d'autres auteurs, mais tous publiés chez Dominique & Compagnie.

Elle fait semblant de s'extasier devant mes livres.

— Dominique, c'est vous ?

— C'est la maison d'édition, madame.

— Ah ?

— Ah.

— Dominique, c'est qui alors ?

— Dominique n'existe pas comme tel, madame, c'est le nom de la maison d'édition.

Il y a bien Dominique, la fille de monsieur Payette, mais je ne vais pas commencer à lui énumérer la généalogie de mon éditeur.

— Dominique n'existe pas ?

— Non, madame.

— Ah ?

— Ah.

Le petit carnet et le crayon sont toujours inactifs dans ses mains. Elle me regarde fixement et, visiblement, elle ne comprend fichtre rien au nom de Dominique & Compagnie en gros sur les couvertures. Je m'apprête à lui expliquer, mais il y a comme un petit air de mépris dans son expression ; je ne sais trop pourquoi. Elle croit peut-être que je lui mens. Malgré tout, elle s'incruste à mon comptoir. Je décide donc de dévier le cours de la conversation. En lui désignant son petit carnet vierge, je demande :

— Vous êtes enseignante ? Vous cherchez des titres qui intéresseraient vos jeunes ?

— Non.

— Ah ?

— Ah.

Elle continue à me fixer, regarde les livres sur la table, me fixe de nouveau, regarde les livres sur les étagères... Je n'en peux plus.

— Bonne journée, madame.

Elle comprend au moins que je n'ai plus envie de poursuivre cette conversation passionnante. Elle me salue d'un petit mouvement de tête un peu gêné puis, le carnet toujours vierge et le crayon paresseux, se dirige du côté de la caisse, là où travaille Jean-Philippe. Tandis que je me désintéresse d'elle, je l'entends dire à Jean-Philippe :

— Y a beaucoup de livres, ici, hein ?

2 commentaires:

  1. Quoi? Tu t'arrêtes là? Ah non, Camille, je veux la suite!!! Qu'est-ce qu'elle voulait finalement, la jeune fille? Elle cherchait un éditeur? Elle a parlé longtemps à Jean-Philippe? Non mais!!!
    Martine

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  2. Je ne sais plus. Il est arrivé quelqu'un pour me parler, je crois. Je ne m'intéressais vraiment plus à ce qu'elle voulait.

    Bizarre, la madame.

    OK, moi aussi.

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