mercredi 11 avril 2007

Histoire de pirates

Figurez-vous que, actuellement, je mets la touche finale à un roman historique bourré d'actions. Oui, oui, bourré de danger, de suspense, de poursuites, de bagarres... Un récit axé sur la vie des pirates dans les Caraïbes au XVIe siècle. Ah, je vous entends scander, mes petits coquins : "Un extrait ! Un extrait !" D'accord. C'est bien pour vous faire plaisir, allez. Voici donc :

Il fait noir.

En fait, non. Il fait rose. Mes paupières sont closes et nous en sommes en plein jour.

En haut, à droite, contre l’enveloppe de ma cécité, je vois clignoter une étoile jaune. Elle bat au rythme de mon cœur. Un battement, un clignotement. Un battement, un clignotement.

Je sens le soleil brûler ma peau, le sel brûler mes lèvres. Heureusement, il y a une brise taquine pour adoucir ma peine. Le roulis qui me berce est doux, indiquant que le bateau mouille en rade près d’une terre. Laquelle, déjà ?

Une aspérité dans le bois du pont pénètre mon omoplate et je... Le pont ? Pourquoi suis-je couché sur le pont ? Et ma tête ! Oh, ma pauvre tête ! Elle résonne comme tous les clochers réunis des cathédrales de l’Estrémadure. Je bats des paupières en m’efforçant d’ouvrir les yeux. La lumière du soleil m’agresse, me presse comme un corps palpable, m’oblige à fermer, rouvrir, puis refermer les yeux.

Je patauge dans cette semi-cécité en cherchant à me relever. Je place un coude sur le sol, me redresse à demi. Mes jambes restent emprisonnées. Un poids les paralyse. Je retombe sur le dos.

Lorsque je parviens enfin à supporter l’éclat des rayons du soleil, la première chose que je distingue au-dessus de moi, à l’extrémité du mât, est le drapeau qui claque dans la brise. Un drapeau de toile vulgaire, mal cousu, mal teint. Un drapeau rouge, frappé d’une broderie maladroite représentant un squelette et un sabre.

Un drapeau pirate !

Le poids qui emprisonne mes jambes est celui d’un matelot mort, couvert de sang, sa main encore refermée sur un sabre d’abordage. J’aperçois d’autres cadavres partout, contre un cabestan, empilés au pied des mats, entassés contre le bastingage. Des mares sanguinolentes couvrent le pont, coulent en longues ramilles pourprées, s’insinuent entre les lattes, diffusent une odeur écœurante. Il y a des vivants aussi qui s’activent entre les morts : des hommes qui nettoient le pont souillé à grands renforts d’eau. D’autres traînent les cadavres et les amoncellent au garde-corps où des acolytes les balancent à la flotte. Quelques victimes, le ventre ouvert, geignent une dernière fois avant de passer par-dessus bord. Les requins vont se régaler. Dans un coin, à la pointe des pistolets, on rassemble des combattants désarmés qui demandent grâce. On dirait que la bataille est terminée.

Mais qui, de l’équipage ou des pirates, a gagné ?
Voilà. Mais soyez indulgents, là. Aucun réviseur n'est encore passé sur ces lignes pour les corriger. Vous êtes parmi les premiers au monde à lire cet extrait. Vous ne vous sentez pas privilégiés, là, hein? Vous pouvez bien le dire : "Merci Camille d'être si bon. Le pape devrait te béatifier, voire te canoniser de ton vivant".

En autant qu'il ne me canonne pas.

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