mardi 24 avril 2007

Roman d'aventures

(Cette entrée de carnet a paru pour la première fois le 4 février 2007 sur le carnet du Réseau CJ de Communication Jeunesse.)

Pour donner un idée à ceux qui n'ont jamais lu mes romans (les pauvres), voici un aperçu de La Caravane des 102 lunes, page 69 et suivantes :

Je crois que papa serait très déçu d’apprendre que l’ami qu’il m’a imposé s’avère finalement aussi indiscipliné que moi. Rien que pour cet accroc à son autorité, je suis heureux de suivre les avis de Seydou. C’est donc en rigolant que nous nous dirigeons dans les ruelles obscures de Djenné en direction de la maison d’Abdoulaye Salam. En arrivant, nous sommes surpris de trouver la porte entrouverte.

— Missié Salam? lance Seydou en frappant discrètement contre le bois avec les jointures. Missié Salam, vous êtes là?

Intrigués de ne recevoir aucune réponse bien que la porte ne soit pas fermée, nous mettons timidement un pied à l’intérieur. Même sans lumière, nous constatons immédiatement que le désordre n’est plus le même que lors de notre première visite. Cette fois, les livres ne sont pas empilés, ils sont éparpillés sur le sol. De toute évidence, on les a retournés, lancés, déchirés… Des couvertures sans plus de contenu reposent ici et là, leur jaquette de cuir perforée; des pages de vélin ancien, des parchemins, des cartes traînent en fragments épars, témoins silencieux de la fureur inconnue qui les a détruits. Nous avançons à petits pas dans la dévastation, incrédules, incapables de comprendre la cause d’un tel ravage. Je butte soudainement sur un objet lourd au sol et une plainte me répond.

— Monsieur Salam! Mon Dieu! Seydou, vite, allume la lampe.

Mon ami s’empresse de gratter une allumette et j’aperçois le corps du vieux marabout au milieu des pages déchirées de ses livres bien-aimés. J’ai presque un haut-le-cœur : il y a du sang partout.

— Il… Il a le crâne ouvert, dit Seydou. Qu’Allah nous garde! Il a été frappé à la tête.

Je me penche sur le vieil homme pour juger de sa blessure et comme je passe au-dessus de lui, il retient ma main avec la sienne. Ses doigts couverts de sang maculent ma paume, ses lèvres tremblent, ses yeux à demi-révulsés cherchent les miens.

— Tou… babou…

— Ne… Ne parlez pas, Monsieur Salam. Je vais… Nous allons…

— Écoute-moi, Toubabou.

Sa voix est à peine audible, mais sa volonté est intacte et son autorité perce encore dans les gargouillis que fait la salive mêlée de sang.

— Des tueurs sont sur la piste du trésor d’el Hadj. Ils ont été sans pitié pour moi; ils le seront pour toi.

— Qu’ils gardent le livre, alors! dis-je sans plus me soucier que d’un vieil homme en train de mourir dans mes bras.

— Tu… Tu as peur?

La question prend deux ou trois secondes avant de se formuler vraiment dans ma tête. Peur? Je ne pense pas à la peur. Je n’arrive pas encore à imaginer que ce pourrait être moi, étendu là, agonisant. J’essaie de nous représenter, le marabout et moi, nos rôles inversés : lui me soutenant, moi crachant le sang. Et malgré cela, je n’arrive pas à ressentir la peur.

— Tu es décidément très bête, Toubabou, murmure-t-il après un moment.
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